Comment les propriétaires s'adaptent à ces objectifs légaux?
Nous, professionnels de terrain, assistons à une vraie prise de conscience. Nous devons reconnaître que les investissements énergétiques à prévoir sont lourds. En règle générale, ces travaux énergétiques dépassent le cadre des dépenses classiques d’entretien. Selon le profil des propriétaires, cela peut entraîner plus ou moins de difficultés. Il faut donc considérer cette mise à niveau dans sa globalité. Les opérateurs de grande envergure tels que les institutionnels ou les sociétés immobilières peuvent plus facilement supporter ces investissements. En revanche, les petits propriétaires privés rencontrent plus de difficultés pour amorcer cette démarche. En conséquence, ils seront probablement les derniers à se conformer aux nouvelles normes.
La performance énergétique des bâtiments peut-elle toutefois rapidement progresser, dans les communs par exemple?
Autrefois, quand le mazout et le béton restaient bon marché, on se souciait moins de ces problématiques. Les rendements de chaudière étaient hors norme avec un faible coût. Les bâtiments des années 1920-30, sont quant à eux souvent construits avec de la pierre et du bois. Ils sont donc mieux isolés que les constructions des années cinquante et septante dont les matériaux sont moins performants (nouveau béton, PVC…)
Dans les communs, peu d’interventions suffisent à obtenir des résultats. La puissance électrique peut être réduite rapidement. Cela concerne les chaufferies, les ventilations mécaniques et les ascenseurs. Dans les buanderies, le remplacement des machines à laver par des modèles plus sobres en eau et en énergie permet de réaliser des économies importantes. Dans les communs, l’éclairage est aussi remplacé par des ampoules LED avec d’excellents résultats en termes de consommation et de durée de vie des lampes qui peuvent fonctionner environ trois ans.
Dans le parc immobilier neuf, les progrès sont plus accessibles?
Sans entrer dans les détails techniques du cadre de Minergie, il faut retenir que le but est de parvenir à l’autoconsommation. Autrement dit, l’immeuble consomme uniquement des ressources produites par ses propres installations. Depuis deux ans, les énergies fossiles sont interdites sur les nouvelles constructions. A court terme, il en sera de même sur les immeubles à rénover. On ne pourra donc plus utiliser le mazout ou le gaz. Il faudra impérativement se tourner vers l'énergie solaire, la géothermie, ou des pompes à chaleur. L’objectif est d’alimenter ces techniques par de l’électricité autoproduite, notamment des installations photovoltaïques. Ces améliorations devront aussi être complétées par une meilleure isolation. A ce titre, l’offre de vitrage s’est considérablement améliorée. A tel point que les fenêtres fabriquées avant 2010 sont presque devenues obsolètes au regard des nouveaux modèles. D’un point de vue technique, la neutralité carbone des immeubles est un objectif réaliste.
Justement, l’immeuble Lyon 77 à Genève en est-il l’illustration?
C’est un bon exemple, en tant qu’édifice neuf, il présentait toutes les prérogatives au niveau de l’OCEN (Office Cantonal de l'Énergie). La situation reste néanmoins spécifique car il s’agit d’un immeuble mixte, commercial et locatif. Notre défi consistait à rafraîchir les locaux commerciaux plus sujets à emmagasiner la chaleur et apporter suffisamment d'énergie aux surfaces résidentielles. Nous avons alors scindé nos réseaux thermiques en deux. D’une part, nous avons élaboré un réseau d’eau chaude à destination des plus grands consommateurs, les locataires. Parallèlement, nous avons, après autorisation de l’État, pompé la nappe phréatique sous l’immeuble pour rafraîchir la partie la plus sujette à la chaleur.
Après la mise en place de nos solutions, nous devons à présent justifier nos calculs de rendement auprès de l’OCEN pour obtenir la labellisation de Lyon 77, ce qui est le cas aujourd’hui puisqu’il a obtenu le label THPE (Très Haute Performance Energetique)
Que recommandez-vous aux locataires? A quoi faut-il prêter attention lors d’une sélection d’appartement?
Aujourd’hui, nous recherchons tous des logements capables de répondre aux enjeux climatiques. La première question que l’occupant d’un logement peut se poser pourrait être: Comment cet immeuble a été construit ou rénové? Je suis personnellement curieux de savoir si un locataire serait d’accord pour payer le double de charge sous prétexte que la chaudière mazout doit être remplacée au profit d’une autre solution plus écologique.
La question des loyers trop élevés fait régulièrement débat alors qu’il conviendrait aussi de s'intéresser aux coûts des charges. Quel est le mode de chauffage? L’isolation de la façade est-elle performante? La labellisation de l’immeuble est donc un critère de sélection d’un appartement par un locataire.
L’aspect écologique représente donc un coût?
Je vais vous faire partager un exemple. Le coût de rénovation d’une enveloppe d’un immeuble coûte environ 700 000 francs. Aujourd’hui, pour répondre au label Minergie, il faudrait en dépenser le double. Toute la question est de savoir qui paie la facture finale. Est-ce de l’entière responsabilité du propriétaire? Si on veut vraiment obtenir cette efficience énergétique voulue par la loi, cette question mérite d’être posée.
Au sujet de l’efficience énergétique, les choses pourraient avancer plus rapidement si le retour sur investissement était plus conséquent. Aujourd’hui, les subventions ne suffisent pas à décider un propriétaire. Non seulement, la constitution d’un dossier labélisé est une démarche longue mais aussi le coût de réalisation pour viser une empreinte carbone nulle reste coûteuse. Je pense que progressivement ces subventions sont amenées à dimimuer ou disparaître à court terme au profit d’une application de la loi. Quand cela arrivera, quid de l’assainissement de tous ces immeubles?
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Pilet & Renaud SA